📚 L’écrivain Xavier Le Clerc retrace l’histoire de son père, Mohand-Saïd Aït-Taleb, ouvrier dans la métallurgie. Un homme qu’il décrit comme « digne » et « prêt à se sacrifier » pour sa famille.
« Mon père est né en Kabylie dans les années 1930. Il faisait partie de ces enfants qui ont grandi dans la misère dont parle Albert Camus dans ses articles. La famine était telle qu’ils se battaient pour des restes avec les chiens, écrivait-il. L’enfance de mon père a eu pour cadre la Seconde Guerre mondiale, et son adolescence
, pendant laquelle il a été torturé. À 25 ans, il a émigré en France, où il a travaillé à l’usine toute sa vie.Malgré les difficultés, je ne l’ai jamais entendu se plaindre. Un jour, il est tombé dans le coma mais cela ne l’a pas empêché de retourner à l’usine le lendemain. C’était quelqu’un de très digne, qui avait la volonté de survivre et de se sacrifier pour sa femme et ses neuf enfants.
Nos relations n’étaient pas faciles. C’était quelqu’un de taciturne, qui avait parfois des accès de colère, mais qui était surtout absent. Il partait très tôt le matin à l’usine, avec sa gamelle en fer, et rentrait très tard le soir, avec le front froissé comme une voiture accidentée.Je passais plus de temps avec ma mère que je prenais pour le pilier du monde. Je l’accompagnais partout pour lui traduire le français.